25 février 2014
Laïcité et hospitalité
Quelque cent Frères et salariés des établissements Saint Jean de Dieu se sont retrouvés les 19 et 20 février 2014 à Valpré (69) pour un colloque éthique sur le thème de la laïcité dans le domaine du soin et de l’accueil de personnes fragiles.
Il s'agissait du 6ème colloque éthique organisé par l'Ordre hospitalier de Saint Jean de Dieu et auquel s'associe désormais la Fondation Saint Jean de Dieu. Les interventions de juristes, de philosophes et de théologiens se sont articulées autour du thème "Laïcité, sécularisation et hospitalité : chances et défis d'un vivre ensemble". Des ateliers ont par ailleurs permis de faire vivre le débat, de susciter des questions et d'apporter des éléments de réponses.
Partant du constat qu'il existe "une laïcité à la française" qui se fonde juridiquement sur la loi du 9 décembre 1905 dite de "séparation de l'Eglise et de l'Etat", Frère Paul-Marie Taufana, conseiller provincial et membre du Conseil d'administration de la Fondation Saint Jean de Dieu, a déploré, en introduction, un manque de connaissance de cette loi et de ses modalités d'application. "La laïcité est bonne quand elle est comprise, transmise et acquise", a-t-il souligné, invitant tous les acteurs des établissements Saint Jean de Dieu "à saisir l'essence même de ce terme, pour vivre ensemble les valeurs de la République associées à celle de l'hospitalité."
La première intervention a permis de rappeler l'histoire de la "laïcité à la française" et de ses fondements, par le jésuite Henri Madelin, enseignant à l'Institut d'études politiques de Paris. De son coté, Maitre Philippe Moreau, avocat et membre du Comité national d'éthique de la Fondation Saint Jean de Dieu, a complété l'exposé en citant "les apports et l'actualisation de la loi de 1905 à l'hôpital aujourd'hui."
La deuxième partie des interventions a tenté d'éclairer le débat sur la mise en pratique de la laïcité dans les établissements Saint Jean de Dieu. Sous le thème "Fraternité républicaine et Hospitalité", le philosophe Jean-Paul Thomas a reconnu "le rôle correctif que joue l’exigence d’hospitalité à l’égard de la fraternité républicaine." "Cette notion de correction est comme un refus d’un certain nombre de dérives de la fraternité républicaine", a-t-il expliqué.
"Mais de la théorie à la pratique, comment vivre la laïcité à l'hôpital ?", s'est pour sa part interrogée Pauline Delplanque, Maître de conférences (Université de Lille 2 / ICP). "L'association de la liberté religieuse et de la laïcité de l’État sont des concepts apparemment opposés or, ils sont complémentaires." Reconnaissant un "contexte tendu" autour de cette question, la juriste a rappelé que "l'hôpital, à l'instar de la République, n’est pas antireligieux mais areligieux : il doit être un lieu neutre et sécularisé où les spiritualités religieuses peuvent s'exprimer. C'est tout l'enjeu d'une laïcité constamment revisitée car vivante."
Concluant les débats, Mgr Gérard Defois, a invité les participants à se poser la question de l’avenir de la Fondation Saint Jean de Dieu compte-tenu de la laïcisation. "Comment prenez-vous spécifiquement en charge le caractère chrétien de vos établissements ?", a-t-il demandé, insistant sur l’importance de la formation de tout le personnel à cette question. "Laïcité ne veut pas dire silence sur le sens, mais écoute raisonnable sur la souffrance, ouverture dans l’accueil et la pudeur."
Enfin, différents ateliers ont permis aux participants de réfléchir en petits groupes à des thématiques particulières, telles que "le rôle des aumôneries", "les attentes des patients et des résidents", ou encore "Entre la loi et l'identité des établissements Saint Jean de Dieu, quelles situations au quotidien ?".

Toutes les interventions sont disponibles en ligne sur cette page. Une synthèse du colloque paraîtra par ailleurs dans le prochain numéro du Lien Hospitalier. |